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Terroirs de Chefs

« La cuisine du futur »

Ou comment déguster les odeurs

Le gastronome, revenu de tout et les papilles usées par les tarabiscoteries culinaires, qui sont la tendance de l’époque, peut à nouveau se réjouir. Il va maintenant manger par… le nez.

Cuisine Moléculaire

Fini l’embonpoint disgracieux qui, dans les salles à manger, précède son propriétaire d’un double-décimètre et fait dire aux invités : « Tiens ! Voilà Untel. Mais où donc est sa femme, je ne la vois pas ? »

« Elle est cachée derrière avec leurs trois enfants ! »

Quelle innovation ! Déguster des odeurs et préserver sa ligne des bourrelets fâcheux. Enfin des sensations toutes neuves qui affoleront les augustes tarins des explorateurs du goût, ces êtres insatiables capables de se damner pour s’envoyer un double cheeseburger composé de viande synthétique à base de cellules souche (DSK en mange, dit-on, paisiblement installé dans un incubateur).

Un nuage de saveurs dans les narines, c’est ça la cuisine aérienne. Une espèce de cornue au fond de laquelle une brume de velouté aux potirons et truffes périgourdines n’attend que votre aspiration à l’aide d’une pipette en verre et sniiiiiiffffffff ! vous voilà gavé de potion… et cela sans prendre un gramme !

Par le nez, il s’agit évidemment d’une déviance ; l’usage veut que l’on se serve de sa bouche pour savourer ces cumulus.

Proustien en quelque sorte… mais moderne, furieusement ! Ça vous réveille les vieux souvenirs enfouis au fond de l’abîme en moins de deux. « Whaf ! ouaf ! » Le mâtin de Naples qui défendait votre berceau contre les tendres assauts de vos tantes surgit brusquement alors que vous venez à peine de mâchonner un brouillard de riz au lait comme celui que vous préparait la nounou, celle qui avait un si joli petit…

Prendre un vent lâché par une carafe - surtout design, la carafe -, ça oui, c’est dans l’air du temps !

Mais trêve de plaisanterie. Sachez qu’on y travaille dans les laboratoires et que bientôt ce ne sera plus une curiosité réservée aux animations branchées. Vous y viendrez, vous verrez. Se taper sur le pouce une vapeur d’asperges au jus de poularde de Bresse, vous ne pourrez bientôt plus vous en passer.

Edouard Bernadac

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